23 octobre 1908 - 9 novembre 1982
Pascal Copeau naît le 23 octobre 1908, troisième enfant de Jacques Copeau, célèbre homme de théâtre, et d’Agnès. C’est dans un milieu littéraire et artistique, entouré de Gide, de Martin du Gard, de Jouvet… qu’il grandira. Une enfance heureuse auprès de sa mère et de ses sœurs, mais aussi chahutée par les aventures artistiques de son père à la forte personnalité.
En 1933, diplômé de Sciences Politiques et titulaire d’une licence de droit, il s’éloigne de son trop pesant et trop célèbre père en s’installant à Berlin pour y faire ses armes de journaliste. De 1933 à 1936, ses qualités d’écriture et la justesse de ses analyses politiques font peu à peu de lui un journaliste reconnu et estimé, correspondant de nombreux journaux aux heures les plus agitées de la montée en puissance du nazisme. De ces années allemandes, il retiendra que la guerre est à terme inévitable et que la lutte contre le nazisme est une urgente et absolue nécessité.
En 1937, de retour à Paris, Pascal Copeau devient rédacteur en chef du magazine « VU et LU ».Tandis que la tension internationale s’accroît en 1938, il est nommé responsable des émissions en langue allemande de la Radiodiffusion française, puis début 1939 directeur de l’ensemble du service des émissions en langues étrangères. Brièvement mobilisé à la déclaration de guerre, il est rappelé à la tête de son service où son action est jugée prioritaire. Pour les émissions en direction de l’Allemagne, il prend lui-même le micro et répond pied à pied à la propagande nazie.
Replié à Bordeaux avec le gouvernement en juin 40, il entend le discours de Pétain qui lui met la rage au cœur et les larmes aux yeux. Il n’accepte pas la défaite et la soumission à l’ordre nazie. Alors qu’on lui en offre la possibilité, il refuse de quitter la France, indécis quant à la forme que doit prendre le combat, soucieux aussi de ne pas perdre la trace du jeune homme qu’il aime et qui est prisonnier en Allemagne. Quand celui-ci s’évadera et le rejoindra à Lyon où Copeau a repris des activités journalistiques, ils tenteront ensemble de rejoindre d’abord les forces anglaises en Afrique du Nord, puis d’atteindre un port portugais et un bateau pour Londres en traversant l’Espagne à pied. Arrêtés par la Garde civile, ils seront remis aux autorités françaises et internés à Pau. A l’automne 1941, enfin libéré, Pascal Copeau retrouve Lyon et le milieu journalistique.
Et c’est seulement au début de l’été 1942 que l’antinazi déclaré est contacté par Emmanuel d’Astier de la Vigerie qui dirige le mouvement de résistance Libération Sud. D’abord responsable du journal clandestin, il prend très vite une place importante dans le mouvement. Sa carrure d’avant centre de rugby, sa voix grave, son sourire sympathique, son calme imperturbable et sa capacité d’écoute autant que la qualité de ses analyses politiques le font très vite surnommé « le sage ». Quand d’Astier sera appelé à Alger par de Gaulle, Copeau prendra sa succession à la tête du mouvement.
« Je voudrais passer dans l’histoire de la Résistance comme étant l’un de ceux qui ont constamment poursuivi la notion d’unité », écrira-t-il. Passé dans la clandestinité totale, en parfait accord politique avec Jean Moulin, il participe aux réunions souvent houleuses au cours desquelles Moulin, Fresnay et d’Astier s’affrontent sur la mise en place d’une armée secrète et sur l’unification des mouvements de résistance, y jouant un rôle de modérateur et de conciliateur. Il sillonne tout le sud de la France pour mettre en place les directions régionales des MUR (Mouvements unis de la Résistance), est membre fondateur, après la disparition de Moulin, du CNR (Conseil national de la Résistance), participe à la mise en ordre de marche des FFI (forces françaises de l’intérieur), est nommé à la Libération membre de l’Assemblée consultative. Il est l’un des principaux dirigeants politiques de la Résistance, allié aux communistes.
En octobre 1945, il est élu en Haute-Saône député à l’Assemblée constituante et participe activement aux travaux d’élaboration d’une nouvelle constitution. Il est réélu haut la main en juin 46 à la deuxième constituante. Mais un mois avant les élections à l’Assemblée nationale de novembre, il retire sa candidature. Officiellement, il mettra en avant sa difficile relation avec le Parti communiste. La réalité est plus sordide. Quelques mois plus tôt, il a été pris en flagrant délit par une descente de police sur un quai de Seine fréquenté par des homosexuels. L’affaire s’est ébruitée et son adversaire politique en Haute-Saône lance une campagne de presse lourde d’insinuations homophobes. Sa carrière politique est terminée.
Malgré le soutien d’amis fidèles comme d’Astier ou les Aubrac, Pascal Copeau sombre dans la dépression et tente de mettre fin à ses jours en mai 47. Jusqu’en 1952, il survit d’expédients, de ferraillage. Sa sœur Marie-Hélène Dasté le tire alors de la clochardisation et lui permet de rebondir. Au Maroc, de 1953 à 1960, il retrouve une existence sociale, s’initie au métier dans la jeune télévision marocaine, milite pour la décolonisation. De retour en France, il travaille d’abord au Service de la recherche de l’ORTF, participe à la création de le Troisième chaine de télévision, puis prend la direction de la station régionale de Dijon.
La retraite venue, la dépression reprend le dessus et, après avoir pathétiquement fait son « coming-out » devant ses amis, les Aubrac, Degliame, Hervé…, à qui il croit toujours avoir donné le change depuis quarante ans quand eux ont eu à cœur de ne rien dire de cette vie secrète qu’ils connaissaient, il fait en 1981 une nouvelle tentative de suicide. Il meurt le 9 novembre 1982, d’un arrêt cardiaque au volant de sa voiture.
Pour la plupart, les grands résistants sont entrés dans l’Histoire soit parce qu’ils sont morts en héros, exécutés, torturés ou déportés par la Gestapo, soit parce qu’au sortir de la guerre ils ont joué un rôle politique durable. Pascal Copeau a eu la chance de n’avoir jamais été pris par les Allemands. Et s’il n’a pas fait la carrière politique à laquelle ses qualités et son action le destinaient, ce n’est pas pour une question de malchance…
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- Fiche Mémoire 01 / Pascal Copeau - éditée à l'occasion de la Journée Nationale de la Résistance, le 27 mai 2016.
Les "Oublié-e-s" de la Mémoire oeuvrent principalement à la connaissance et la reconnaissance de la Déportation pour motif d'homosexualité, en France et au-delà. A l'aube de nos dix ans, nous souhaitons élargir notre champ d'action et mettre en lumière le vécu de personnes homosexuelles ayant eu un rôle important dans l'histoire récente, de la Seconde Guerre Mondiale à nos jours, tout particulièrement lorsque ce vécu est tombé dans l'oubli. C'est dans cet esprit, et sensibilisés à la mémoire de Pascal Copeau par Raymond Aubrac, que nous organisons cet hommage.