Lettre ouverte au tissu associatif LGBT de Lyon

La Lesbian and Gay Pride de Lyon - Moove ! - Forum Gai et Lesbien

L’association Les « Oublié(e)s » de la Mémoire tient à apporter quelques précisions à vos légitimes interrogations, suite à votre communiqué de presse du 25 février 2008, relatif à votre rencontre-débats du 21 février 2008 dans le cadre des élections municipales.

Nous sommes surpris par vos insinuations sur le fait que nous puissions «mépriser le travail historique méticuleux effectué par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD)».

Bien au contraire, nous pouvons vous rassurer, sur ce point car nous travaillons étroitement avec la FMD, notamment avec son équipe de recherches basée à Caen.

Nous avons notamment pu rédiger ensemble les textes – avec Arnaud BOULLIGNY, chercheur de la FMD, et Robert STEEGMANN, historien – illustrant la plaquette commémorative éditée par la Ville de Toulouse et distribuée le jour de l’inauguration de la «rue Pierre-SEEL». Y sont mentionnés les résultats des dernières recherches entreprises par la FMD, faisant apparaître un nombre de 63 personnes arrêtées pour motif d’homosexualité parmi les 165 000 Déportés français. Parmi ces Déportés, 6 Français seront arrêtés pour motif d’homosexualité en zone française occupée.

Le résultat de ces recherches a été communiqué lors de la Journée d’Etude Universitaire de Dijon du 23 octobre 2007, sur le thème «La Déportation pour motif d'homosexualité en France», rencontre organisée par l’association CIGALES (Dijon) et l’historien Mickaël BERTRAND.

Ce nombre est faible certes, mais non exhaustif en l’état actuel des recherches. Il n’y en aurait eu qu’un seul, que c’eut été – pour les institutions, pour la FMD, pour notre association – un de trop dans la machine de destruction humaine entreprise par les nazis.

Les « Oublié(e)s » de la Mémoire est la seule association homosexuelle à avoir relayé sur son site (depuis sa publication, le 8 février 2008), le communiqué de la FMD «Recherches Universitaires Année 2008», qui, dans le cadre de la poursuite de ses recherches, est intéressée par tous documents, informations et témoignages.

Nous savons que la FMD va dans les jours qui viennent sortir son nouveau numéro «Mémoire Vivante», consacré essentiellement à la déportation pour motif d’homosexualité, numéro accompagné des résultats des recherches dont nous avons parlé plus haut.

Nous désirons ardemment que les recherches soient poursuivies, et continuerons à soutenir les institutions et chercheurs dans cette voie.

Concernant Luc FOURNIER, il n’est pas notre délégué régional. Nous avons été joints par notre adhérent, qui nous a assuré que cette phrase avait été sortie de son contexte, et qu’il est navré que ses propos aient été tronqués et mal interprétés. Luc FOURNIER s’expliquera directement auprès de vous.

Nous sommes toutefois étonnés que la question d’une «rue Pierre-SEEL» pour Lyon, vienne du Mémorial de la Déportation Homosexuelle (MDH).

Le MDH, par l’intermédiaire de leur président, Hussein BOURGI, a pourtant répondu, lors des 17ème rencontres de la Fédération des CGL, à Dijon le samedi 2 février dernier, devant notamment les représentants du Forum Gai et Lesbien, que «la création de lieux mémoriels n’était pas pour le MDH une priorité». Etonnant pour une association qui affirme avoir revendiqué la «rue Pierre-SEEL» et dont l’intitulé est «Mémorial de la Déportation Homosexuelle».

La création d’une «rue Pierre-SEEL» à Toulouse est l’aboutissement de notre travail de fond au quotidien depuis deux ans. La logique historique et mémorielle par rapport au parcours de la vie de Pierre SEEL, serait maintenant de voir aboutir un lieu sur Mulhouse. Mais nous pensons aussi, au regard du parcours historique de la ville de Lyon, qu’il serait souhaitable, à terme, qu’un lieu mémoriel homosexuel voit le jour dans ce haut lieu de la Résistance.

Aujourd’hui que le MDH, qui se targue d’avoir été «l’appui de Pierre SEEL pour témoigner» se serve de la mémoire de celui-ci pour revendiquer un lieu de mémoire (tout en disant que ce n’est pas «sa priorité»), en pleine période électorale, à des fins politiciennes, nous choque profondément.

Le MDH si respectueux de la mémoire de Pierre SEEL dans un communiqué récent, n’a même pas eu le tact, la correction de donner le jour et l’année exacte de sa disparition «…Pierre SEEL, disparu le 26 novembre 2006…» alors que tout le monde sait que notre «Témoin de l’Histoire» nous a quittés le vendredi 25 novembre 2005.

Le devoir de mémoire ne doit pas être politisé. Notre association est apolitique. Nos membres viennent de différentes sensibilités politiques, mais ils savent ne pas faire d’amalgame. C’est pour cela que nous avons invité à Toulouse l’ensemble des candidats aux élections locales.

Nous nous devons de rappeler que les politiques passent, alors que le travail de mémoire doit, lui, demeurer pour un appel soutenu à la vigilance.

Notre association, créée en 2003, n’a eu de cesse de vouloir faire avancer le travail de reconnaissance de la Déportation pour motif d’homosexualité, dans la paix avec les institutions, les Déportés et le monde LGBT.

Nous avons répondu aux vœux de Pierre SEEL, qui a attendu toute sa vie cette reconnaissance. Aujourd’hui une rue lui est consacrée à Toulouse, demain peut-être un autre lieu le sera à Mulhouse.

Un autre lieu mémoriel verra bientôt le jour. Nous travaillons en commun avec les Déportés et les institutions pour qu’une plaque commémorative soit apposée dans l’enceinte du camp de concentration et d’extermination de Natzweiler-Struthof.

Ces différents projets ne peuvent se faire qu’avec le soutien de l’ensemble du tissu associatif LGBT, uni dans un même esprit, le respect de la mémoire de nos morts et de leurs souffrances.

Nous espérons avoir répondu à vos interrogations et restons à votre disposition pour toute réponse complémentaire, voire même pour une rencontre publique si vous le souhaitez.

Le Président,
Philippe COUILLET