Un hommage national a été rendu, le lundi 17 mars 2008, à Lazare Ponticelli, le dernier des Poilus décédé le mercredi 12 mars à l'âge de 110 ans, ainsi qu'aux 8,5 millions de soldats de la Grande Guerre.
Arrivé en France à l'âge de 10 ans, ce jeune italien s'est engagé à 16 ans dans la Légion étrangère. Il y sert d'août 1914 à mai 1915 au 4ème régiment de marche du 1er Étranger. Il a participé en décembre 1914 aux terribles combats de l'Argonne avant de rejoindre, contre sa volonté, une unité de chasseurs alpins en Italie. Il demande et obtient la nationalité française en 1939, lors du déclenchement du second conflit mondial au cours duquel il a été actif dans la Résistance.
Après avoir refusé toute cérémonie officielle, le dernier des Poilus a finalement accepté des obsèques nationales "sans tapage ni grand défilé" ainsi qu'une messe aux Invalides "en hommage à ses camarades morts dans cette horreur de guerre". Ses dernières volontés ont été respectées.
Le cercueil de Lazare Ponticelli, recouvert du drapeau français, porté par onze légionnaires a pénétré en fin de matinée en l'église Saint-Louis des Invalides. Les obsèques ont été célébrées par Mgr Patrick Le Gall, l'évêque aux armées en présence de la famille du défunt, du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, de M. Jacques Chirac, des membres du gouvernement, du ministre italien de la défense M. Arturo Parisi, des personnalités du monde combattant et des hautes autorités civiles et militaires.
En début de cérémonie, le général de corps d'armée Bruno Dary, gouverneur militaire de Paris, a salué "la modestie du soldat" qui comme tous ses compagnons d'armes "n'a cherché qu'à simplement faire son devoir, rien que son devoir, mais tout son devoir".
Un poème composé par les collégiens d'une classe de 5ème du lycée Gabriel-Fauré (Paris 13ème) a été lu.
"Vous souvenez-vous de l'acrostiche que nous avons collectivement rédigé : Ponticelli, P comme paradis que vous rejoignez, O comme obstacle que vous avez franchi, N comme nation que vous avez défendue(…)". "C'est grâce à vous, à tous les Poilus que nous vivons aujourd'hui dans un pays libre. Merci".
A l'issue de la cérémonie religieuse, Lazare Ponticelli a reçu les honneurs militaires dans la cour d'honneur de l'Hôtel national des Invalides.
C'est avec une grande sobriété que les militaires présents ont salué le dernier combattant français de la Grande Guerre et à travers lui tous ceux civils et militaires qui prirent part aux combats.
L'historien et académicien Max Gallo a prononcé l'éloge funèbre, rappelant la vie du "rital" disparu, de l'homme "modeste et fraternel" en établissant notamment un parallèle avec l'œuvre de Primo Levi "Se questo e un uomo".
"Lazare Ponticelli a offert sa vie et celle des siens à la France, c'est la communauté nationale qui gagne. Sa présence honore ce monument des Invalides qui est au cœur de l'histoire de la Nation". "C'est parce qu'il est ici, parmi nous, avec tous ceux qu'il représente que notre histoire est grande". "Grâce à lui, ses camarades dont il disait qu'ils étaient morts sans considération emplissent notre mémoire. Entre eux et nous, c'est l'union sacrée". Au delà du soldat, c'est à un homme au destin exceptionnel, immigré pauvre devenu capitaine d'industrie, qu'a rendu hommage la République. "Lazare Ponticelli, homme de paix, modeste et héroïque, bon et fraternel, italien de naissance, français de préférence, et vivant parmi nous". L'écrivain a souligné que le défunt était "bien plus que le dernier survivant sur notre sol de la grande armée des combattants de la Première Guerre mondiale. Il nous rend fiers, par toute sa vie, d'être son frère humain". Parce que son destin se dresse contre l'égoïsme, la facilité, la soumission, le désespoir, c'est un appel à la volonté, à la solidarité, à la modeste grandeur de l'homme, à l'héroïsme quotidien".
En atteste la foule des anonymes qui s'est déplacée nombreuse pour saluer ce patriarche "qui aimait l'honnêteté et dont les actions étaient accordées à ses pensées" (évocation de son petit-fils).
La dépouille du soldat a été ensuite inhumée dans l'intimité à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Par ailleurs, dans l'après-midi, une seconde cérémonie s'est tenue sur l'esplanade du Dôme de l'Hôtel national des Invalides en présence de la famille du défunt, des membres du gouvernement, des anciens combattants et des hautes autorités civiles et militaires. Des collégiens et des lycéens ont été invités à assister et participer à cet événement.
05_50.jpg (52516 octets)Une foule a assisté à la cérémonie retransmise sur deux écrans géants sur lesquels ont également diffusées des images et des séquences de films d'archives du Premier Conflit mondial.
Le Président de la République s'est rendu seul sous le Dôme. Près du tombeau du maréchal Foch, commandant des troupes alliées à la fin de la Première Guerre mondiale, il a déposé une gerbe devant une plaque dévoilée par deux collégiens. Cette plaque rend hommage aux combattants français de cette guerre :
"Alors que disparaît le dernier combattant français
de la Première Guerre mondiale,
la Nation témoigne sa reconnaissance
envers ceux qui ont servi sous ses drapeaux
en 1914-1918.
La France conserve précieusement
le souvenir de ceux qui restent dans l'histoire
comme les Poilus de la Grande Guerre.
Le 17 mars 2008."
En ressortant du Dôme des Invalides, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours soulignant que l'hommage rendu à Lazare Ponticelli et aux Poilus de la Grande Guerre n'était pas un hommage rendu à la guerre. [discours du Président de la République]
"C'est un hommage à ceux qui l'on faite, marins, aviateurs, cavaliers, artilleurs, fantassins, civils, en souffrant et en risquant leur vie pour l'amour de leur patrie et pour l'idée qu'ils se faisaient de ce qu'ils lui devaient, pour l'idée qu'ils se faisaient de la liberté, de l'honneur et du courage".
"En cet instant, dans toute la France, la pensée de chacun se tourne vers ces femmes et ces hommes qui nous ont appris la grandeur du patriotisme qui est l’amour de son pays, et la détestation du nationalisme, qui est la haine des autres. Et par delà le silence de la mort, ils nous parlent encore au nom de ce qu’ils ont enduré. Ils nous disent que la compréhension, le respect, et la solidarité humaine sont les seuls remparts contre la barbarie qui, à chaque instant, si nous n’y prenons pas garde, peut menacer à nouveau de submerger le monde."
Avant de quitter la cérémonie, le chef de L'État a exhorté la jeunesse à se souvenir des sacrifices consentis, durant les deux conflits mondiaux, au nom de la dignité et de la liberté "Jeunesse de France, souvenez-vous toujours de ce que vous devez aux hommes et aux femmes qui furent si grands dans l'épreuve et dans le malheur".
Sources : Ministère de la Défense/SGA/DMPA